Perdido Street Station 1 by Miéville China

Perdido Street Station 1 by Miéville China

Auteur:Miéville, China [Miéville, China]
La langue: fra
Format: epub
Tags: SF et fantastique, Miéville China
Éditeur: Fleuve Noir
Publié: 2000-01-01T09:15:45+00:00


14

— Allez, ma vieille, ma puce, ma jolie, mange quelque chose, par Baragouin…

La chenille reposait mollement sur le flanc. Sa peau flasque ondoyait parfois, et elle agitait la tête, en quête de nourriture. Isaac la cajolait, lui murmurait des trucs, la titillait à l’aide d’un bâtonnet. Elle remuait, incommodée, puis s’assagissait.

Isaac se redressa et jeta le bâtonnet.

— Puisque c’est ça, annonça-t-il dans le vide, je désespère d’arriver à quoi que ce soit avec toi. Tu ne pourras pas dire que je n’ai pas essayé.

Il s’écarta de la petite boîte et de ses monceaux d’aliments moisis.

Les cages formaient toujours de hautes piles sur la passerelle surélevée de l’entrepôt ; la symphonie discordante de croassements, de sifflets et de cris y résonnait encore, mais la quantité d’animaux s’était considérablement réduite. Nombre d’enclos et de clapiers reposaient ouverts et vides. Il restait moins de la moitié du stock de départ.

La maladie avait ravi à Isaac certains de ses sujets d’expérience ; d’autres étaient morts au combat, contre leurs semblables ou contre d’autres espèces ; sa recherche avait eu raison du reste. Quelques cadavres raidis étaient cloués à des panneaux, dans diverses postures, le long de la passerelle. Le mur présentait quantité d’illustrations. Les premières esquisses d’ailes et de modes de vol s’étaient multipliées par un facteur énorme.

Isaac s’appuya contre son bureau. Il fit courir les doigts sur les diagrammes qui en parsemaient la surface. Sur le dessus se trouvait le triangle griffonné avec la croix en son centre. Il ferma les yeux pour s’abstraire de la cacophonie ambiante.

— Oh, la ferme, tous ! brailla-t-il, mais la clameur animale continua sans fléchir.

Isaac se prit la tête entre les mains, fronçant les sourcils de plus belle.

Il était encore mortifié de son voyage à Chiure. Il ne pouvait s’empêcher de se repasser dans sa tête les événements de la veille, songeant à toutes les autres façons dont il aurait pu et dû s’y prendre. Il s’était montré arrogant et stupide, à débarquer ainsi à la manière d’un intrépide aventurier, en brandissant son argent comme s’il s’agissait d’une arme thaumaturgique. Lin était dans le vrai. Pas étonnant qu’il ait réussi à s’aliéner toute la population garuda de la ville ou presque : il les avait abordés comme une bande de gredins juste bons à être blousés ou achetés. Il les avait traités comme s’ils étaient les comparses de Lemuel Pigeon. Or ce n’était pas le cas. C’était une communauté pauvre, craintive, soucieuse de survivre et sans doute de préserver un brin de fierté dans cette ville hostile. Ils voyaient leurs voisins se faire enlever par la milice – un simple jeu pour elle, semblait-il. Leur existence reposait sur une économie informelle de chasse et de troc, de menus chapardages et de cueillette au Bois de Rude.

Leur comportement était brutal, mais tout à fait compréhensible.

Et maintenant, il avait foutu en l’air toutes ses chances de ce côté. Il leva les yeux vers le fatras d’images, d’héliotypes et de diagrammes qu’il avait accumulés. Exactement comme hier, se dit-il. L’approche directe ne fonctionne pas.



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